JMK

Dr Jean-Marc Kespi

Président d’honneur de l’association Française d’Acupuncture

Après avoir fait mes études médicales avec enthousiasme, je m’installais comme médecin généraliste en 1962. Je rencontrais l’acupuncture la même année et commençais à apprendre une seconde médecine, chinoise cette fois-ci. D’emblée j’étais passionné: on regardait, écoutait, palpait, sentait; ce qui me permettait de rester fidèle à la clinique que j’avais apprise de mes maîtres pendant mes études classiques. En un temps où l’acupuncture était volontiers qualifiée « d’archaïsme poétique et poussiéreux » j’ai eu le privilège, après avoir lu Georges Soulié de Morand et Jean sChoain, de rencontrer mes maîtres en acupuncture Albert Chamfrault et Nguyen van Nghi. J’ai été frappé par le fait qu’ils ponctuaient leurs lectures des textes d’acupuncture de nombreux « pourquoi ».

Ils  nous signifiaient ainsi qu’il y avait là quelque chose d’important à appréhender, un autre regard sur la médecine et sur la vie, que le but était ici de traiter un être au delà des symptômes, de l’accompagner et de ne se substituer que si ses défenses somatiques ou psychiques étaient dépassées, enfin de rappeler au corps un mode de fonctionnement normal qu’il avait connu mais occulté.

Il est important de comprendre, qu’au niveau de ce qui fonde une civilisation, la Chine met en exergue la relation et non l’être, que « nous sommes à l’opposé d’une perspective occidentale où seule une analyse isolée des éléments a pu conduire au point de vue de l’atome » ou de la cellule (F. Julien). Aussi, le regard de la Médecine traditionnelle chinoise n’est pas anatomique : il est fonctionnel et symbolique. Elle offre par là  une lecture originale de l’être et de ses symptômes. Plus encore, en puncturant le ou les points d’acupuncture concernés, elle s’adresse aux lieux de corps où des souffrances ont été mémorisées et, faisant circuler les souffles obstrués à ce niveau, participe à leur libération. La cicatrice est alors toujours présente mais moins ou plus du tout douloureuse.

J’ai su faire crédit à cette tradition ; cela m’a permis d’en découvrir peu à peu la profondeur et la validité. Par ailleurs Nguyen van Nghi m’a fait assez vite comprendre que je ne serais jamais un médecin traditionnel chinois : je n’avais pas « bu » la langue, les rites, la mythologie… chinoise avec le lait de ma mère » ; je n’étais pas familier de la vie chinoise, de son écriture, de ses pratiques et coutumes. J’avais donc l’inconvénient d’être un « barbare ». Mais, parce qu’étranger, je pourrais poser des questions que seul l’étranger pose et par des réflexions venues de l’extérieur, éventuellement l’enrichir. À une condition : de l’approfondir sans cesse jusqu’à accéder à une intimité avec la tradition, la civilisation, l’art, la médecine chinoises et  leur langage symbolique.

J’ai ainsi fait, à l’occasion de l’acupuncture, un voyage qui m’a considérablement enrichi aux plans de la médecine et de la vie.

Le 13 juillet 2015, sur proposition de monsieur le Grand Chancelier, j’ai été nommé Chevallier de la Légion d’Honneur en tant que médecin généraliste et Président d’Honneur de l’Association Française d’Acupuncture. Bien au delà de ma personne, la médecine générale et l’acupuncture ont étés ainsi honorées.