Dr Jean-Marc Kespi
Président d’honneur de l’association Française d’Acupuncture
Après avoir fait mes études médicales avec enthousiasme, je m’installais comme médecin généraliste en 1962. Je rencontrais l’acupuncture la même année et commençais à apprendre une seconde médecine, chinoise cette fois-ci. D’emblée j’étais passionné : on regardait, écoutait, palpait, sentait ; ce qui me permettait de rester fidèle à la clinique que j’avais apprise de mes maîtres pendant mes études classiques de 1952 à 1960.
En un temps où l’acupuncture était volontiers qualifiée « d’archaïsme poétique et poussiéreux » j’eu le privilège, après avoir lu Georges Soulié de Morand et Jean Choain, de rencontrer mes maîtres en acupuncture Albert Chamfrault, Nguyen van Nghi et Claude Larre. J’ai été frappé par le fait qu’ils ponctuaient leurs lectures des textes classiques d’acupuncture par de nombreux « pourquoi ». Ils nous signifiaient ainsi qu’il y avait là quelque chose d’important à appréhender, un autre regard sur la vie et la médecine. J’ai su faire crédit à cette tradition ; cela m’a permis d’en découvrir peu à peu la profondeur et la validité. J’ai ainsi fait, à l’occasion de l’acupuncture, un voyage qui m’a considérablement enrichi aux plans de la médecine et de la vie.
Car le regard de la Médecine traditionnelle chinoise est autre. Il n’est pas anatomique : il est fonctionnel et symbolique. Il offre une grille de lecture originale de l’être et de ses symptômes. Par ailleurs, Au plan thérapeutique, par la puncture d’un ou plusieurs points, il s’adresse aux lieux de corps où des souffrances ont été mémorisées et, faisant circuler les souffles obstrués à ce niveau, il participe à leur libération. La cicatrice est alors toujours présente mais moins ou plus du tout douloureuse. Le but est ici de traiter un être au-delà de ses symptômes, de l’accompagner, de ne se substituer que si ses défenses somatiques ou psychiques sont dépassées, enfin de rappeler au corps un mode de fonctionnement normal qu’il a connu mais occulté.
Par ailleurs Nguyen van Nghi m’a fait assez vite comprendre que » je ne serais jamais un médecin traditionnel chinois : je n’avais pas « bu » la langue, les rites, la civilisation… chinoises avec le lait de ma mère ; je n’étais pas familier de la vie chinoise, de son écriture, de ses rites, pratiques et coutumes. Mais, parce qu’étranger, je pourrais poser des questions que seul l’étranger pose et par des réflexions venues de l’extérieur, éventuellement l’enrichir. Ce, à une condition ; d’accéder à une proximité, une intimité avec la tradition, la civilisation, la langue, les arts, la médecine et les pratiques corporelles chinoises » .
Le 13 juillet 2015, sur proposition de monsieur le Grand Chancelier, j’ai été nommé Chevallier de la Légion d’Honneur en tant que médecin généraliste et Président d’Honneur de l’Association Française d’Acupuncture. Bien au-delà de ma personne, la médecine générale et l’acupuncture ont étés ainsi honorées.